Page, l'ingénieux du son.
Genre: rock expérimental.
JIMMY PAGE
LUCIFER RISING AND OTHER SOUND TRACKS (1972) - 2012
POUR ECOUTER UN EXTRAIT (LUCIFER RISING-MAIN TRACK)
Depuis 1988 et le faible Outrider, Jimmy Page n’a plus été en mesure de proposer un album solo digne de ce nom. Le voilà qui revient en 2012 avec un disque qui lui est personnel, Lucifer Rising And Other Sound Tracks.
Vingt quatre ans plus tard, il pointe son museau comme si de rien n’était, avec une offre un peu présomptueuse dans son approche, adaptée au porte-monnaie des fans (3 formules), disponible dans un premier temps, exclusivement via son site et par les plus débrouillards, donc réservée à une élite ou à une minorité, à la communication bien maîtrisée, entretenant le mystère, mais qui date de 1972, faisant d’ailleurs l’objet d’un bootleg canadien, hélas de qualité déplorable.
Autrement dit, alors que le public bave d’impatience de retrouver l’ex Yardbirds et Led Zep dans quelque chose de nouveau et de croustillant, lui nous sert du quarante ans d’âge, même si, comme le précise le communiqué de presse le réchauffé a fait l’objet de retouches et été revitalisé. Encore heureux.
Comment interpréter cette exhumation ? Jimmy Page est-il à ce point en panne d’inspiration ou est-il uniquement accaparé par le seul souci de faire du fric ? Comme si en qualité de leader du Led Zep, il avait à se soucier de son avenir et de celui de sa garde rapprochée.
L’artiste s’est-il embourgeoisé, pipolisé au degré de ne faire que des piges à gauche à droite, des représentations fussent-elles honorables dans l’humanitaire ? Est-il à ce point accaparé ? Il a quand même traversé plus de trois décennies à ne plus rien proposer de potable artistiquement, à ne plus créer quelque chose de personnel et à vivre sur ses acquis. Etrange.
Quoi qu’il en soit, soyons bon prince, même si cette publication est un album de plus à mettre à son crédit, ce qu’il propose pour son come-back discographique, porte le sceau des chercheurs en acoustique.
Le paysage sonore avant-gardiste et expérimental qu’il déterre ici de ses archives et qu’il officialise en le légalisant, est à la fois étrange et terrifiant, mais essentiellement aventureux au point de me laisser sceptique et peu séduit. L’exploit n’est pas peu mince cependant, pour moi, d’être parvenu à à ne pas m’être déconnecté de ce fatras sonore brut parfois inaudible et difficilement identifiable. Page n’est pas à une expérience près.
Ce travail correspond bien à l’artiste ésotérique qu’il est alors. Composée à l’origine pour les besoins de la bande-son de l’hypnotique mystique, psychédélique et occulte court métrage du même nom (avec Marianne Faithfull et le frère Jagger), réalisé par Kenneth Anger (dans lequel il fait une brève apparition), la chanson titre n’est pas retenue au montage, ce qui fait sortir Page de ses gonds quand il constate que le travail (excellent au demeurant) de l’ex musicien de Love, Bobby Beausoleil, depuis la prison entre 77 et 79 où il est incarcéré pour meurtre (il fait partie de la secte satanique de Charles Manson et de l’idéologie Helter Skelter), est privilégié.
Lié à Jimmy Page par leurs penchants méphistophéliques, étant tous deux de fervents adeptes du maître sataniste du vingtième siècle, Aleister Crowley, Anger refuse de donner suite au projet initialement commandé à l’artiste de Heston. Les relations se tendent après l’expulsion manu militari d’Anger du domicile des Page par l’épouse de Jimmy. Une brouille s’ensuit, Anger allume Page par voie de presse, lui reprochant sa paresse et son manque d’implication dans l’entreprise, trois ans après le lui en avoir passé commande, allant même jusqu’à menacer de lui jeter un sort, et met à exécution son verdict : écarter Page de Lucifer Rising au profit de Beausoleil.
Page fouette alors d’autres chats : la carrière du Led Zep à faire fructifier et une dépendance aux drogues dures. Le film a finalement vu le jour en 1980. Voilà pour l’anecdote. Reste ce qui aurait dû alimenter la B.O de ce film culte et dont je ne suis pas preneur (face 1) et cinq autres pièces expérimentales de l’époque que Page a réuni autour pour boucler son affaire (face 2), dont une reprise du thème principal. Sortis du contexte pour lequel ils furent envisagés, tous ces titres sans les images qui s’y rapportent, ne signifient rien. Ils donnent juste une idée de ce qui se passait dans la tête d’un artiste et compositeur pour lequel le processus d’expérimentation sonore a toujours été une priorité.
Sans la vision avant-gardiste de son artisan le plus curieux et avide de sensations, vision datant des Yardbirds, et qui tendait déjà à repousser les limites de sa guitare et du son, Led Zep aurait-il survécu au sommet du rock aussi longtemps ? Le son, c’est lui. Dazed And Confused, formidable titre, célèbre pour le passage de l’archet qu’il frotte sur les cordes de sa guitare pour en tirer des sons inouïs, c’est encore lui.
Si je décrie cet album pour les raisons évoquées, je n’en ai pas moins beaucoup de considération pour tout ce que ses recherches ont amené à la musique et qui ont valeur de référence aujourd’hui. Par contre, pour Lucifer Rising And Other Sound Tracks, on fera sans moi (RAZOR).
Face1.
1) Lucifer Rising-Main Track.
Face 2.
1) Incubus.
2) Damask.
3) Unharmonics.
4) Damask-Ambient.
5) Lucifer Rising-Percussive Return.
Jimmy Page:instrumentation,composition,technique,production.