Le chanteur particulier de Dieu.
Genre:DVD,country,documentaire.
GRAM PARSONS
FALLEN ANGEL - 2006 (5/5)
Les inconditionnels de Gram Parsons seront forcément de ce documentaire, s’ils n’y sont pas déjà et depuis longtemps. Personnellement, j’ai souscrit à Fallen Angel quelques années après sa parution en 2006. Je viens de le visionner dernièrement pour une énième fois et pour remettre de l’ordre et de la clarté dans les souvenirs qu’il m’en restait, avant que de vous en faire le commentaire.
Les Gramfans connaissant leur Parsons sur le bout des doigts, n’ignorant rien de ses faits et gestes d’alors, n’apprendront pas forcément grand chose de ce docu qui conforte les biographies éditées sur papier ; par contre, Fallen Angel aura un réel intérêt pour les ceusses non initiés aux choses d’un artiste devenu légendaire depuis et dont la pertinence de sa vision musicale deviendra une norme pour beaucoup.
Fallen Angel, première adaptation sur écran, retrace avec fascination la vie, la mort (à quelques jours près il entrait dans le sinistre club des 27) et le parcours artistique de Parsons qui aboutit à l’émouvante musique cosmique américaine à laquelle il a donné le jour et pour laquelle il est unanimement plébiscité aujourd’hui. Jusqu’alors seules quelques bio écrites, pour certaines approximatives, inexactes ou insistant abusivement et douloureusement (pour la famille) sur les failles supposées ou avérées de Gram faisaient état du sujet Parsons. Mettons-nous à la place de ses proches et comprenons leur ras le bol de relire les mêmes casseroles à chaque recoin de rédaction.
En cela, Gandulf Hennig (aidé par le biographe Sid Griffin) a instauré dans cette relation une saine et vraie confiance, les rassurant sur toute tentative de récupération commerciale de Gram ou d’exploitation outrancière des frasques jusqu’alors excessivement dévoilées dans les presses, sans scrupules ni respect pour l’artiste et les siens ; en retour il a eu l’assentiment d’une famille qui, fait rare, apporte son écot au thème ciblé par le cinéaste allemand. Pour une partie de la parenté, c’est même une première et, même si, pour l’essentiel, la quasi-totalité des faits est corroborée, le fait de l’aborder sous un angle nouveau est un plus incontestable.
Proches (sa femme Gretschen, sa demie sœur Diane, sa belle sœur Becky, sa fille Polly, le cousin John Sively III, sa nièce Avis Parsons III, fille survivante d’Avis, sœur de Gram), musiciens familiers (Keith Richards, Chris Hillman, Emmylou Harris, James Burton, Bernie Leadon, John Nuese, John Corneal, Sneaky Pete Kleinow, Chris Ethridge), confrères (Peter Buck de REM, Dwight Yoakam, Pamela Des Barres), milieu professionnel (Michael Voss d’A & M Records, le road manager Phil Kaufman), potes d’école, amis de la famille, ancien partenaire des Shilohs (Paul Surratt), d’ISB et du Flying Burrito Brothers et même le costumier qui confectionnait ses Nudies de scène bariolés, ses tenues cloutées et strass, tous interviennent dans le superbe film du cinéaste berlinois pour façonner une sorte de biographie de celui qui avait en tête de vivre à 200 à l’heure et de devenir une rock star : Ingram Cecil Connor, dit Gram Parsons, le fondateur d’un country-rock dans lequel se sont engouffré, à l’époque, les Byrds, Eagles et Rolling Stones, et plus tard des formations comme REM et sans lequel la country alternative n’aurait jamais existé.
Fallin Angel retrace l’itinéraire de ce musicien qui, à son apogée du moment, n’a jamais été populaire et commercial, encore moins soulevé les foules comme les Stones de son ami et frère de sang Keith Richards. Son heure de gloire sera posthume. Les superlatifs se succèdent alors, de son rôle décisif dans l’évolution du mythique Byrds via le séminal Sweetheart Of The Rodeo (1968) qui relie deux mondes musicaux opposés (rock et country), à la country cosmique et alternative associée à son nom pour l’éternité.
C’est d’ailleurs le Capitaine Teague de Pirates Des Caraïbes 4 qui entame l’effeuillage du récit de l’une des existences les plus poignantes et dramatiques du rock, même si l’épisode de ses obsèques est assez cocasse et sa chute plutôt morbide, significatifs du monde d’illuminés dans lequel évoluaient alors certains esprits complètement déconnectés du moment. Fallait pas laisser traîner les cachetons, l’herbe, les amphés et le Jack Daniels, sans quoi …
L’anecdote relative à l’incroyable scène de vol du cercueil de Gram, dictée par un pacte entre Clarence White et Parsons, orchestrée par son road manager et exécuteur de la promesse, Paul Kaufman, est ici mise à plat par son auteur et les acteurs qui ont accompagné ses derniers instants. Les derniers doutes sont ainsi dissipés sur des faits présentés souvent dans des versions abracadabrantes et déstabilisantes pour une famille qui voulait des funérailles à la hauteur de leur amour pour Gram.
Une grande pudeur se tisse autour de cette péripétie, même si Phil Kaufman, coupable d’avoir détourné le corps et d’y avoir mis le feu, ne fait pas toujours dans la demie mesure pour l’expliciter. Mais c’est Kaufman, un fort en gueule pour ne pas dire une grande gueule, au regard de sa propension à facilement se vanter dans son autobiographique Road Mangler Deluxe, livre sur son expérience dans l’industrie du disque.
L’approche de Hennig alterne entrevues, courts extraits live, photographies et films personnels, images d’enfance et familiales, lettres, le tout sur fond musical soulignant la grandeur de l’œuvre du concerné. Un lot assez conséquent de documents jusqu’alors inaccessibles et jamais publiés alimente ce Fallen Angel. Autant que faire se peut, progressivement, le documentariste parvient à détourner le spectateur des mauvais plis du Parsons autodestructeur, contribuant ainsi à la réhabilitation d’une image que les prises de drogue ont écornées et dont la presse a, avec insistance et au-delà de ce qui est permis, grossi les traits. Le travail d’Hennig réanime beaucoup d’émotions enfouies. Beaucoup d’intimes de Gram, de par le cœur ou de par la note, n’ont pas fait le deuil de la perte immense de celui vu comme le chanteur particulier de Dieu. Les larmes de Gretschen Parsons Carpenter, sa veuve à 21 ans, sont à elles-seules révélatrices de toute la peine que véhicule encore la mémoire du mari, du frère, du cousin, du pote, du confrère, de l’artiste. Elles sont aussi les nôtres (RAZOR).