Gregg retrouve la confiance.
Genre:southern rock.
GREGG ALLMAN
LAID BACK - 1973
POUR ECOUTER L'ALBUM
A peu de choses près, Laid Back (1973) doit être, si je ne m’abuse, le premier LP réalisé par Gregg Allman après la mort de son frère Duane (et de Berry Oakley). A moins que Brothers & Sisters (1973) de l’Allman Brothers Band ne le devance de quelques semaines ; ça doit se jouer à un poil de fion. Toujours est-il que ces enregistrements se situent dans la période d’unité retrouvée par la communauté A.B.B. Et ça se renifle à des lieux à la ronde.
Son premier solo diffère de ce que fait alors la formation de Macon, remise sur pied et réorientée country par Dickey Betts. Gregg semble avoir retrouvé une confiance ébranlée par les drames successifs dans son entourage. Son chant étant plus assuré, le cadet des frères Allman se montre convaincant… sans convaincre toutefois les fans de son groupe de tutelle qui boudent ce disque R&B, folk et gospel à l’ambiance décontractée et mélancolique, au son un peu lissé auquel le producteur Johnny Sandlin n’est pas étranger.
Les fans, pour une fois, se trompent. Avec le recul et la déception digérée, Laid Back se révèle être ce que Gregg a fait de mieux. Excellente, tissée autour d’un répertoire axé sur la douleur et les femmes, sa première expérience discographique en solitaire tourne à son avantage. On est loin du pitoyable Allman and Woman fait avec sa femme Cher, en 1977. Ce Laid Back, c’est taillé pour lui et pour son bel organe vocal.
L’album bénéficie de la présence d’un véritable orchestre pour soutenir son écriture. Pas moins d’une quinzaine de musiciens et d’une dizaine de choristes l’assistent dans son projet.
La grande cavalerie est de sortie. Parmi eux, Chuck Leavell qui vient de rejoindre l’Allman Brothers Band, Talton, Stewart et Sandlin, le trio de Happy To Be Alive (1976), Scott Boyer (Cowboy), David Brown, premier bassiste de Santana, Buzz Feiten, guitariste qui remplace au pied levé Elvin Bishop dans le Paul Butterfield Blues Band, le claviériste du début des frangins Allman (Hour Glass), Paul Hornsby, Butch Trucks (batteur) et Jai Johanny Johanson, Allman Brothers de la première heure. Rajoutons, pour être complet, Charlie Hayward, Jim Nalls, David Newman… Que du beau linge.
Pour introduire l’album, Gregg reprend Midnight Rider, chanson populaire de sa composition, coécrite avec Robert Kim Payne, et qui figure sur Idlewild South, LP d’A.B.B. sortie en 1970. Il en livre ici une version plus envoûtante, plus obscure où les cuivres dominent. Difficile de trancher entre l’originale ou sa transposition. Chacune a ses arguments. Les purs et durs d’Allman privilégieront forcément l’interprétation collective. Gregg s’en sort plutôt bien, l’entrée en matière de Laid Back a de la gueule.
Queen Of Hearts, titre qui enchaîne sur une intro piano, Gregg Allman a mis un an et demi pour l’accoucher. Prévue initialement pour paraître sur Brothers & Sisters dont elle a finalement été écartée, cette chanson a été écrite pour Janice Blair, la seconde de ses six femmes, qu’il épouse en 73 pour divorcer en 75. Jazzy avec paroles mélancoliques, Queen Of Hearts est une des plus belles plages de sa carrière. Allman est dans son élément.
Please Call Home est également piochée dans Idlewild South et revisitée. Agréable et mélodique, cette adaptation plus solide est une des forces de cet album.
Pour Don’t Mess Up A Good Thing (de Rufus Thomas), il change de registre, optant pour un boogie, plutôt réussi il faut le dire, mais qui tranche nettement avec le reste du répertoire.
Gregg reprend aussi du Jackson Browne, via These Days. L’arrangement qu’il fait de ce morceau, que l’auteur-compositeur-interprète prusso-californien avait en réserve et qu’il publie pour la première fois sur For Everyman (1973), est fantastique. Il faut s’y arrêter ; c’est même mieux que l’original et ça n’est pas peu dire.
La ballade Multi Colored Lady est un autre de ses tours de force ici. L’amour donne incontestablement des ailes à son auteur. Autre balade et autre reprise, All My Friends appartient à Scott Boyer. L’appropriation d’Allman Junior est agréable, sans plus. Elle ne supplante pas, en tous cas, le travail d’origine de l’ancien Cowboy.
Laid Back se referme sur Will The Circle Be Unbroken, titre rendu célèbre par Nitty Gritty Dirt Band en 72. Une double et particulière signification pour Gregg. Ce chant traditionnel interprété à l’origine par la Carter Family et que l’A.B.B avait à son répertoire sur Eat A Peach de 1972 (il constitue le final de Mountain Jam de plus de 33 minutes), symbolise la ténacité d’un groupe qui, meurtri par le décès de Duane Allman et Berry Oakley, n’a jamais renoncé et le souvenir des funérailles de son génial guitariste au cours desquelles il fut joué en sa mémoire. Gregory Lenoir Allman se l’approprie ici pour en tirer le meilleur parti et la restituer dans une très jolie traduction. Il y met son cœur comme jamais, bien soutenu par une chorale gospel à filer la chair de poule. J’aime.
Même si Laid Back (Capricorn) se démarque du southern rock endiablé d’A.B.B (ici pas de solos, pas de jams), ce disque a toute sa place dans la discographie maison. En refaisant l’histoire, on ne peut que s’incliner devant ce très beau LP qui passe beaucoup mieux aujourd’hui qu’hier , mis sous l’éteignoir qu’il fut, par l’immense popularité d’A.B.B. Il faut l’avoir vécu pour le croire. (RAZOR)
1. Midnight Rider.
2. Queen of Hearts.
3. Please Call Home.
4. Don't Mess Up a Good Thing.
5. These Days.
6. Multi-Colored Lady.
7. All My Friends.
8. Will the Circle Be Unbroken.
Gregg Allman:chant,guitare acoustique,orgue.
Bill Stewart:batterie.
Chuck Leavell:piano.
Tommy Talton:guitares,slide guitare,dobro,tambourin.
Scott Boyer:guitares,steel guitare,piano électrique.
David Brown,Charlie Hayward,Johnny Sandlin:basse
Buzz Feiten,Jim Nalls:guitare
Paul Hornsby:orgue,claviers,clavinet.
Jai Johanny Johanson:percussions,conga.
Carl Hall,Hilda Harris,Cissy Houston,Emily Houston,June McGruder,Helene Miles,Linda November,Eileen Gilbert,Maretha Stewart,Albertine Robinson:choeurs.
David "Fathead" Newman:saxophone.
Butch Trucks:percussions,cabasa.
Ed Freeman:cordes.
Max Cahn,Tony Posk:violon.