Genre:acid folk.
WIZZ JONES
THE LEGENDARY ME - 1970
POUR ECOUTER WIZZ JONES
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Bert Jansch disait à son endroit qu’il était certainement le guitariste le plus méconnu de tous les temps. Ce en quoi, il n’avait pas complètement tort car, pour
mézig, Wizz Jones a longtemps fait figure d’illustre inconoblé. Pourtant, croyez moi, depuis des décennies, je suis (du verbe suivre) suffisamment, et de près, les choses du rock et des genres y
affiliés, pour ne pas aussi bêtement que ça me retrouver sur la touche.
Dans le domaine folk british, j’en ai consommé du pékin et j’en ai vu défiler des brochettes de musicos. Faut croire que le Jones en question a suivi des filières
parallèles pour échapper à mon attention coutumière et surtout pour glisser entre les mailles de mon insatiable et boulimique curiosité musicale. D’autant plus que la scène folk anglaise est un
échiquier que j’affectionne tout particulièrement. Conclusion, The Legendary Me, son album référence de 1970, est remonté jusqu’à moi le jour où j’ai enfin levé sur le voile sur Wizz Jones.
Autrement dit, quand les poules ont commencé à avoir des dents, si vous voyez ce que je veux dire… Je vous fiche mon billet qu’aujourd’hui encore il pointe encore au guichet des grands ignorés du
rock. Au moment des comptes, à part figurer dans les bons papiers de la presse musicale nationale où il a le statut de cador de l’acid-folk à l’anglaise, ou être cité très favorablement dans les
biographies du God et de Rod Stewart, force est de constater que le succès lui a toujours glissé entre les doigts.
Au détour de mes investigations sur le sujet, j’apprends que le Wizz a influencé des générations entières de guitaristes du Royaume-Uni et pas des lopettes,
puisqu’on compte parmi eux les légendaires Clapton, Renbourn, Martyn, Jansch, Thompson, McTell. Le gratin de la Vieille Albion, les joyaux de la couronne. Pourtant, comme il le dit lui-même, à ce
jour, il est comme à ses débuts : une main devant, une main derrière. Mais il est heureux et c’est tout ce qui compte.
Ce troubadour du folk présente alors le paradoxe d’être du bled et d’y être un vrai caïd chez lui, quand, dans le même temps, il est carrément snobé, voire zappé,
de l’autre côté de l’Atlantique ou chez nous. Pourtant, depuis le milieu des années 50, imprégné de la littérature beat des Burroughs, Ginsberg et Kerouac, enthousiasmé par les spectacles de Big
Bill Broonzy, de Rambling Jack Elliot, Woody Guthrie, et de Muddy Waters, il mouille le maillot dans les bars, plus particulièrement ceux londoniens de Soho. Il tâtonne aussi dans le même temps
dans une clique de skiffle de sa ville natale de Croydon, les Cowboys (1957).
De son vrai blaze Raymond Ronald Jones, Wizz emprunte son nom de guerre onomatopique, repris dans le comic strip gainsbardien de 67, à un personnage des Beanos
(Wizzy The Wuz), cet hebdo british de B.D de l’après-guerre, concurrent du journal de Mickey et de Spirou. Au début des années 60, après avoir appris le métier auprès de la confrérie à trois
têtes composée d’Alexis Korner, Davey Graham et Long John Baldry, il est mûr pour bourlinguer, guitare en bandoulière, dans une bonne partie de l’Europe et en Afrique (Maroc), d’où il revient en
1963 pour se lancer dans un duo de bluegrass prometteur mais pionnier, avec le banjoïste le plus célèbre du Royaume-Uni, Pete Stanley. Un LP en découle (Sixteen Tons Of Bluegrass/1966), mais le
public ne suit pas ; Wizz, qui officie aussi comme musicien de sessions pour vivre, se lasse et l’affaire périclite en 67. Retour à la case départ : les spectacles dans rades miteux aux
relents de tabac froid, exil vers l’Allemagne (1969).
Jusqu’aux années 70, le guide de la génération Jansch n’a jamais attiré les feux de l’actualité sur lui. Il commence à se faire à l’idée qu’il ne sera donc jamais
le grand guitariste/chanteur qu’il rêvait d’être quand il se cassait les ongles sur les riffs de blues inlassablement répétés, sous l’œil impitoyable de Long John Baldry. Pourtant tout est
là : la technique en fingerpicking chaude comme de la braise, assurée et puissante ; la voix, expressive, tour à tour profonde, accablée, tendre, moqueuse ; la matière, bien
ressentie et parfaitement restituée (Alan Turnbridge est à l’écriture) et une main droite digne de Big Bill Broonzy, dit-on dans les tee-rooms. Et les avis élogieux et sincères de ceux qui,
parallèlement, réussissent… Que peut-on lui reprocher ? Rien. Sinon que le label de Ian Anderson n’a pas pignon sur rue et produit en exemplaires limités.
En me penchant sur le travail de Wizz (je l’appelle Wizz, nous sommes devenus des intimes), que je méconnaissais sous toutes les coutures, j’ai eu l’heureuse
surprise de constater les notes élevées qui sont associées à chacun de ses albums des seventies. Il en compte 9 entre 1969 et 1977. Maintenant que j’ai quasiment tout entendu de cet artiste, je
dis chapeau mais je ne comprends toujours pas pourquoi il n’y a pas eu plus de retour vers le public.
L’éponyme de 69, son suivant l’extraordinaire The Legendary Me (70), l’excellent Right Now (72), le surprenant Magical Flight (77) et Winter Song, l’E.P de 72 sont
des passages obligés d’un catalogue complètement sous-estimé.
The Legendary Me (Novembre 1970/The VillageThing distribué par Transatlantic Records) est celui par lequel j’ai décidé de vous mettre en relation avec cet artiste
frustré et scoumounard comme dégun. On le serait à moins mais jugez plutôt. Le jour où il croit enfin percer chez l’Oncle Sam et capitaliser sur son nom, en ouvrant quelques dates de la tournée
de Sonic Youth, son avion est contraint de rebrousser chemin. Motif ? 11 Septembre, attentat contre les Twin Towers.
Autre tuile. Pendant des années, il travaille avec Alan Turnbridge, plus poète que musicien, rencontré à Soho. Les deux font la paire, le binôme est indissociable.
Wizz met en valeur le travail du co-auteur de ses textes, mais c’est Ralph McTell, qui a flairé la qualité de l’écrivain depuis bien longtemps, qui met la main sur les droits d’exploiter le
répertoire de Turnbridge. A lui le jackpot. Wizz, qui a défendu ces chansons sur toute la planète, se l’est fait mettre profond.
Pour en revenir à cet album, son deuxième solo, que l’on doit considérer comme un must du folk-rock anglais (ça vaut du Fairport, du Steeleye Span ou du Pentangle),
son titre est justement inspiré d’une chanson introspective de Turnbridge. Pour peu que l’on soit familiarisé avec l’ensemble de son œuvre, et depuis je le suis (du verbe être), le son unique de
Wizz est identifiable dès les premières notes. N’est-ce pas le propre d’un grand artiste que d’être identifiable spontanément ?
11 titres garnissent ce disque brillant et apaisant. 8 sont le fait de Turnbridge. C’est là que se situe le nec plus ultra de l’album : la chanson titre, See
How The Time Is Flying, Slow Down To My Speed et Dazzling Stranger. Willie Moore est une chanson traditionnelle que Jones est allé quérir dans le patrimoine folk US et l’excellent Keep Your Lamp
Trimmed And Burning est de Reverend Gary Davis. Wizz Jones signe If I’d Only Known. Le lyrisme n’est pas sa tasse de thé.
La version modernisée en format CD (2006/Sunbeam) rajoute trois bonus live de sa période allemande, dont deux couvertures géniales du Sisters Of Mercy de Leo Cohen
et Needle Of Death, le playdoyer anti-drogue dure de Bert Jansch qui inspirera le Needle And The Damage Done à Neil Young. En gros, je ne vois pas un fan de folk, qui plus est de folk british,
passer à côté, et de cet artiste cash, et de cet album spontané (RAZOR).
1. See How the Time is Flying.
2. Willie Moore.
3. The Legendary Me.
4. When I Cease to Care.
5. Nobody Told You So.
6. Beggar Man.
7. Keep Your Lamp Trimmed and Burning.
8. Dazzling Stranger.
9. If I'd Only Known.
10. Slow Down to My Speed.
11. Stick a Little Label on It.
Bonus.
12. Sisters of Mercy.
13. Glory of Love.
14. Needle of Death.
Wizz Jones:guitare acoustique,chant.
John Turner:basse.
Peter Berryman:guitare sur 3.
Ralph McTell:accordéon sur 8.